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Northanger Abbey — Jane Austen

Édition : 10/18
Date : 1996
Pages : 283 pages

Jane Austen jugeait désuet l’engouement de son héroïne Catherine Morland pour les terrifiants châteaux moyenâgeux de Mrs Radcliffe et les abbayes en ruine de préromantisme anglais. Parodie du roman gothique, satire pleine de saveur de la société anglaise qui prenait ses eaux à Bath, Northanger Abbey est aussi le roman très austenien du mariage et très moderne du « double jeu ».

Continuant mon périple austenien, il me fallait absolument lire Northanger Abbey — il ne me reste plus que Persuasion et Mansfield Park. Le principe de l’intrigue reste le même que dans les autres livres de Jane, mais avec quelques changements particulièrement notables. J’ai pu remarquer en lisant Raison et Sentiments et Orgueil et Préjugés que l’auteure aimait maltraiter ses personnages, ce que je trouve absolument génial. On peut voir leurs qualités comme leurs défauts et leurs failles, ce qui les rend d’autant plus humains. Bref, dans Northanger Abbey, c’est encore plus flagrant. On suit les aventures de Catherine Morland, une jeune fille de 17 ans qui n’est ni spécialement belle, ni intelligente, qui n’a pas un esprit vif et qui n’est jamais partie loin de chez elle, donc qui ne connaît pas les codes de la bonne société. Elle est née dans une famille de 10 enfants ; il fut impossible de la faire tenir en place et elle préférait lire des romans gothiques que d’apprendre à coudre. Un jour, ses voisins, Mr. et Mrs. Allen, lui propose de les accompagner à Bath. Catherine accepte évidemment et ses parents sont aussi ravis de cette situation. Arrivée dans la ville balnéaire, elle va faire la connaissance d’Henry Tilney d’une part et d’Isabelle Thorpe de l’autre, deux caractères tout à fait opposés. Dès le départ, on sent l’admiration de Catherine pour le jeune homme et sa confiance aveugle en sa nouvelle amie. Reste à savoir lequel des deux est le plus honnête et surtout le plus fréquentable … Le récit d’aventures commence alors vraiment car, comme il est dit sur la 4ème de couverture, Jane Austen s’est donné du mal pour que son roman ait des allures de roman gothique : romantisme exacerbé, mysticisme, noirceur … Le tout fait avec énormément d’humour.

Par où démarrer proprement cette chronique ? Je pense que ce sera un peu brouillon. J’ai eu beau attendre une journée entière avant de poster ma critique, tout n’est pas encore en ordre. Je vais donc commencer par les personnages. Comme je le disais, Catherine n’a rien d’extraordinaire. D’une candeur extrême, on peut être charmé comme navré par son innocence et son incapacité à déceler l’hypocrisie de ses propres amis. Elle se soumet relativement facilement et a plus l’allure d’une suiveuse que d’une héroïne, comme l’appelle l’auteure tout au long du roman. Pourtant, et ce qui est amusant, c’est qu’on la voit évoluer, en un an. Elle passe de cette provinciale gauche à une jeune fille non pas accomplie mais plus au fait des choses du monde. En même temps, on ne peut pas dire qu’elle ait été aidée : la compagnie de Mrs. Allen n’est pas forcément des plus stimulantes. Cette femme est tout le contraire d’une femme d’esprit : elle aime parler pour ne rien dire, répéter 20 fois les mêmes phrases et ne s’intéresse qu’à sa petite personne — elle n’est pas désagréable, simplement irritante. Henry Tilney parvient à rehausser le niveau de la société fréquentée par Catherine. D’une famille bourgeoise, il a des manières, mais parle pourtant de manière franche : c’est lui le héros que cherche la jeune fille — celui qui parle de romans, qui dit ce qu’il pense et qui fait parfois fi des convenances. Il a un charme tout particulier et se révèle être le personnage le plus « moderne » à mon goût. Isabelle Thorpe est une tête à claques, on sent derrière ses mots toute l’hypocrisie du monde, mais cela ne semble pas frapper Catherine. Elle est jolie et elle le sait. Son frère est tout aussi odieux, mais de manière plus évidente. Rude, égoïste, égocentrique et mal élevé, ce sera le premier personnage que notre héroïne détestera, et on ne peut pas lui en tenir rigueur. Puis viendra toute une ribambelle d’autres connaissances, comme la sœur adorable de Mr. Tilney, son père etc. Chacun a ses particularités, sa marque qui est l’une des plus grandes qualités de Jane Austen : ce sont leurs paroles qui les montrent tels qu’ils sont.

L’histoire en elle-même a ceci d’extraordinaire qu’elle allie plusieurs genres. Tout d’abord, on a affaire à une critique de la société, de manière classique. Puis entre en jeu le caractère romantique et gothique du roman : Catherine a une imagination très fertile et parfois, cette imagination l’emporte vraiment très très loin … Et ça en devient drôle. Je n’ai vraiment pas pu m’empêcher de sourire, quasiment tout le temps, j’ai aussi été outrée par l’attitude de certains personnages, j’avais envie de prendre Catherine par les épaules et de lui dire de se bouger si elle voulait pas que sa vie s’achève avant même d’avoir commencé. La plume d’Austen est vive, précise et le ton tranchant. Certains passages m’ont particulièrement marquée, comme celui où elle dénonce ceux qui s’attaquent au roman, prenant la défense de ce genre, critiquant aux passages les intellectuels poussiéreux de son époque. Le livre a été publié au début du XIXème siècle, mais avait été commencé bien plus tôt, d’où certaines observations étonnantes : entre les deux siècles, les mœurs ont bien changé.

La critique que je pourrais faire à Northanger Abbey, c’est que l’on manque parfois de répliques cinglantes comme dans Orgueil et Préjugés et que l’histoire d’amour est quasiment dénuée de passion. À la différence des autres romans, l’important ne semble pas être l’amour, mais la satire sociale et la satire du roman gothique. Catherine n’est là que pour être cette anti-héroïne, comme si Jane Austen voulait montrer au monde entier qu’une personne tout à fait banale, passant inaperçue, pouvait être héroïne un jour ou l’autre. L’héroïne de sa propre vie. Le message du roman est d’ailleurs assez profond. Je ne dirais pas que c’est mon préféré, mais j’avoue m’être laissée prendre au jeu avec un immense plaisir et qu’il restera pour moi — et pour l’instant — une exception dans le paysage austenien.

D’autres avis résument ma pensée sur ce roman : Matilda, Mlle Alice, Meloë.

Lu pour le challenge ABC. 

12 réflexions sur “Northanger Abbey — Jane Austen

    • C’est difficile de répondre ! Le premier que j’ai lu, je crois que c’était Raison et Sentiments (que je dois relire d’ailleurs). J’avais aimé les deux romans, plutôt différents. À toi de voir selon tes envies ;).

  1. Ca n’est pas mon préféré non plus, principalement parce que je ne me suis pas particulièrement attachée aux personnages. Mais qu’est-ce que j’ai ri ! Je ne sais pas ce que donne la traduction, mais en VO, j’ai trouvé que les répliques cinglantes étaient au moins largement aussi présentes que dans les autres romans de Jane Austen.

    Pour ma part, il me reste à découvrir S&S, Mansfield Park et Emma. Je te recommande vraiment Persuasion qui est mon préféré pour l’instant !

    • J’aurais aimé le lire en VO ! Mais vu que je l’avais en français … La fois prochaine, je le prends en VO. Je veux voir si je ris encore plus.
      On pourra peut-être se faire une lecture commune sur Mansfield Park un jour si ça te tente !

      • Volontiers, pour la lecture commune sur Mansfield Park. Pas tout de suite, histoire de ne pas faire d' »overdose » austenienne, mais d’ici quelques temps, ça pourrait être très sympa 🙂

  2. J’ai bien envie de continuer ma découverte de Jane Austen avec celui-ci. Après Orgueil et préjugés, c’est celui qui me tente le plus.

    • Il est vraiment très amusant. Ça change d’Orgueil et Préjugés, par le fait que l’héroïne soit bien moins affirmée. C’est un univers un peu différent !

    • Il est vrai que peu de personnes le préfèrent à Orgueil et Préjugés … Mais je crois bien que c’est mon cas ! Il m’a sûrement plus touchée. Ce n’est qu’un avis personnel ;).

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